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Ivan Basso Daily Blog

De larmes et de sourires

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Poreč, Croatie, premier stage de la Tinkoff, vingt-sept coureurs posent pour la photo de rentrée. Le cliché est ensuite rapidement diffusé par l’équipe sur les réseaux sociaux et l’on se prend alors à chercher Ivan. Ivan, mais où est Ivan ? On zoome sur la photo en quête de reconnaître la bouille de notre Champion, son sourire malicieux, ses yeux pleins de douceur,  que l’on repère habituellement au premier coup d’oeil. Le temps d’une photo notre passion reprend le dessus et on en perd la mémoire. Plus de dix ans que l’on vit chaque année l’excitation de la reprise, le commencement d’une nouvelle et intense saison. Alors nos yeux fixent désespérément la photo pendant quelques minutes, avant de réaliser que notre recherche est vaine, que non Ivan n’est pas dessus et que oui le 5 octobre dernier il a bel et bien mis un terme à sa carrière. Mais on aperçoit très vite une autre photo, celle d’Ivan discutant avec le directeur sportif Steven De Jongh. Il n’est plus en cuissard mais en survêtement, le sourire lui est intact, sans doute même encore plus intense et profond. Le sourire de qui a vu sa vie basculer et entend bien désormais en savourer chaque seconde. Car cet été, à l’heure où le soleil brille de mille feux, Ivan a soudainement vu son ciel s’assombrir. De partir en échappée à la vie qui t’échappe, tel a été le brutal vécu d’Ivan. 

En mail il avait eu le bonheur de participer au triomphe de son capitaine Alberto Contador sur les routes du Giro. Son nouveau rôle d’équipier, Ivan le prenait très à coeur. Mais malgré toute sa bonne volonté son physique ne suivait pas, comme il l’explique au magazine néerlandais Helden : "Avec Alberto on se parlait beaucoup le soir dans la chambre. Je savais ce qu’il endurait avec la pression d’être maillot rose, j’avais connu ça. Mais j’étais frustré car je ne pouvais pas fournir le travail que j’aurais souhaité. Mes valeurs sanguines n’étaient pas bonnes. Et durant les premiers jours du Tour je n’étais toujours pas en forme". Et c’est finalement une chute lors de la cinquième étape, qui arrivait en région Picardie, qui a permis à Ivan de sortir de l’incompréhension dans laquelle il se trouvait depuis des semaines. La chute c’est l’ennemi numéro un des coureurs et Ivan était loin de s’imaginer que celle-ci allait devenir la chute de sa vie, la chute qui a sauvé sa vie : "Au moment de la chute mes testicules ont cogné la selle, j’ai ressenti beaucoup de douleur. J’ai souvent vécu ce genre de chose, mais cette fois-ci je me sentais différent. J’ai compris que quelque chose n’allait pas dans mon corps. Les étapes de jeudi, vendredi et samedi ont été très dures pour moi, mais je renonçais pas".

Au terme de l’effort bestial du contre-la-montre par équipe de dimanche, Ivan a fini par consulter, en se rendant à la clinique mobile du Tour. Le français, Ivan ne le comprend pas très bien, mais il lui aura suffi de regards pour réaliser la gravité de la situation : "Je n’oublierai jamais ces visages inquiets. Après, grâce à notre médecin d’équipe, Peter Moor, on a discuté de l’IRM. Le lendemain c’était la journée de repos à Pau et là j’avais la possibilité de rencontrer l’un des meilleurs urologue en France. Il y avait tellement d’urgence que le médecin m’a dit qu’il m’emmènerait le lendemain à l’hôpital en début de matinée pour passer une IRM. Et là la mauvaise nouvelle est tombée. Idéalement ils voulaient m’opérer immédiatement à Pau, pour voir s’il y avait des métastases et voir comment le mal était agressif dans mon corps. Après cette première petite intervention les bonnes nouvelles sont arrivées : je suis là à temps, le risque que je ne survive pas est de 2 %. Le médecin a également déclaré que la chute a sauvé ma vie, car ainsi le cancer a été mis en évidence". 

Malgré ces paroles rassurantes, le mot cancer reste traumatisant et pour Ivan, après avoir affronté le diagnostique des médecins, il lui a fallu se charger de la lourde tâche de l’annonce à sa famille. Expliquer l’inexplicable, le terrible : "J’ai appelé mon épouse Micaela dans la voiture, à mon retour de l’hôpital. Je voulais avoir des certitudes avant de la prévenir. Je lui ai promis de rentrer le plus vite possible à la maison et d’en parler pleinement avec nos quatre enfants. C’était très émouvant". Mais le plus dur coup de fil de sa vie fut celui passé à son papa. Car triste coïncidence du destin, onze ans auparavant, en plein Tour de France et à Pau, Ivan apprenait que sa maman ne guérirait pas de son cancer et qu’il ne lui restait que quelques mois à vivre. La maladie d’Ivan a donc malheureusement réveillé de biens douloureux souvenirs : "Mon père et moi avons pleuré ensemble. C’était le plus difficile appel téléphonique de ma vie. Il avait peur que je ne m’en sorte pas comme ma mère. Heureusement j’ai pu le rassurer". 

Et puis il y a eu le message à son équipe : "Il y avait ceux qui pleuraient, d’autres étaient silencieux. Personne ne sait à ce moment là trouver les mots justes. Nous nous sommes promis les uns les autres de maintenir un contact quotidien. Et j’ai promis d’être là pour la dernière étape sur les Champs-Élysées. Avec Alberto j’ai eu une conversation émouvante. Je lui ai dit qu’il était assez fort pour gagner. Nous sommes vraiment amis. C’est une personne spéciale". De retour en Italie Ivan a été pris en charge à l’hôpital San Raffaele à Milano, par le professeur Montorsi. L’opération a mené à l’ablation du testicule gauche mais Ivan a évité le pire : "Si cette tumeur agressive est découverte à temps, elle est traitable. Si elle est prise en retard alors c’est fini. Je suis extrêmement reconnaissant envers cette chute, qui a détecté la maladie. Le médecin m’a dit que ces tumeurs sont souvent découvertes par accident. Par exemple après le passage d’une IRM suite à une blessure. Lorsque ça commence vraiment à vous gêner, il est généralement trop tard".

Après ce cauchemardesque mois de juillet, Ivan a peu à peu revu le soleil. Un soleil qui fut à son zénith lorsqu’en septembre il apprenait qu’il n’aurait pas besoin de subir de traitement, l’opération ayant parfaitement réussi. Il restera bien-sûr suivi, mais il peut désormais planifier beaucoup plus sereinement son futur. Et en 2016 c’est donc au sein de la Tinkoff que ce dernier s’écrira, avec un rôle de coordinateur technique. Pour l’aider à faire ses premiers pas dans le staff, Ivan peut compter sur Steven De Jongh, qui a beaucoup d’estime pour lui : "Nous avons une relation spéciale et quand j’ai appris qu’Ivan avait un cancer des testicules j’ai été fort touché. Je suis très émotif, c’est indescriptible ce que j’ai alors ressenti. Je suis deux cents jours par an avec Ivan et Alberto sur la route, je les vois plus que ma famille. J’ai continué le Tour avec la peur qu’Ivan ait des métastases". La peur a petit à petit laissé place à l’espoir et voilà les deux hommes aujourd’hui réuni pour on l’espère une brillante collaboration. Si nos yeux ont vainement cherché Ivan sur la photo de groupe des coureurs 2016, notre coeur a lui compris depuis longtemps que son sourire valait toutes les victoires du monde.

 

 

 

 

FORZA IVAN !!!!!



28/10/2015
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